mardi 9 août 2011

Petite leçon de sagesse ou l'art d'être heureux...

J'ai lu cette interview d'Elsa Godart dans le magasine suisse Migros (lien sur le titre du post) et je l'ai trouvée très instructive, je ne résiste donc pas au plaisir de vous en livrer quelques lignes...



"Aujourd’hui, le bonheur, on en parle tout le temps, mais on ne le définit pas. Je reviens à une très belle définition qui fait date puisque depuis on s’appuie, du point de vue philosophique, sur celle d’Aristote. Il définit trois ordres. Le premier: un bonheur éphémère, de l’ordre du plaisir. C’est notre société de consommation, utilitariste. Un plaisir laisse place à un autre, etc. On n’est jamais dans la satisfaction. Aristote ne dit pas qu’il faut renoncer aux plaisirs mais qu’il ne faut pas les confondre avec le bonheur. Deuxième définition, la plus élevée: le bonheur à travers la définition du sage. Vie ascétique, vie purement de l’esprit. Mais ce bonheur n’est accessible que pour quelques- uns, dit Aristote.

Que reste-t-il?
La recherche de quoi on est fait par nature. Tout être est amené à tendre vers son propre bien. Mon bien, qui se confond avec mon bonheur, c’est ce qu’il y a de bien pour moi. Qu’est-ce qu’il y a de bien pour moi? Accomplir ce que la nature a prévu pour moi. La nature a prévu pour l’oeil de bien voir, elle a prévu quelque chose pour moi. Cela revient à dire que mon bien s’apparente à la réalisation de ce pour quoi je suis fait par nature. Quand je réalise ma propre nature, je ne peux être qu’heureux, à ma place, en adéquation, serein.

Chacun de nous doit donc chercher ce qui le rend heureux?
Chacun doit chercher ce pour quoi il est fait par nature. On en revient à la connaissance de soi. Combien de personnes viennent me voir en me disant, j’ai tout pour être heureux mais je ne le suis pas. C’est qu’ils sont passés à côté d’eux-mêmes. Les recettes toutes faites, ça ne fonctionne pas: si on vous dit pour être heureux, il faut avoir trois gosses, être marié, avoir un boulot, être fonctionnaire, ça ne peut pas marcher. Mais la définition de ce pour quoi on est fait par nature est évolutive: on peut avoir une certaine idée de ce pour quoi on est fait à un moment donné puis changer d’idée. C’est difficile d’apprendre à se connaître, c’est plus facile de passer à côté de soi.
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Dans un autre registre, les stoïciens déjà notaient que l’homme a tendance à ne pas vivre le moment présent, le réel.
Quand on angoisse, on est ailleurs. On est dans l’interprétation, dans le fantasme. Un retour à la réalité permet d’évacuer l’angoisse. Et c’est ce que nous enseignent les stoïciens. Nous ramener au réel. Combien de fois perd-on du temps précieux, se rend-on malade pour rien. Parce que sur le moment on ne peut rien faire, que l’issue soit positive ou négative.

De même, on a tendance à conférer trop d’importance au regard des autres...
Les stoïciens nous disent: à quoi ça sert d’aller chercher à conquérir l’opinion des autres puisque ce n’est pas le regard des autres qui nous permet de nous dire qui l’on est mais le travail sur soi. Les autres ne nous renvoient qu’une certaine image de ce que l’on est. Il ne faut pas en faire l’économie, car on doit vivre avec, mais il ne faut pas qu’elle soit déterminante non plus.

Question de mesure, donc?
Oui. Y accorder l’importance nécessaire en sachant que le regard des autres n’est jamais neutre, c’est remettre les choses à leur place et c’est mieux vivre avec ce regard-là. Il faut être capable de mettre une juste distance. Cet enseignement me paraît fondamental: être capable de trouver un juste milieu, un équilibre entre deux excès. Nombre de nos comportements sont excessifs.

Vous êtes favorable à la culture de l’effort pour reprendre confiance en soi. Pourquoi?
C’est une idée née de la rencontre avec mes patients et que l’on retrouve chez les stoïciens. Qu’est-ce qui permet de reprendre confiance en soi quand on l’a perdue? Les challenges. Celui qui ne s’expérimente jamais ne sait pas qui il est et ce qu’il vaut. Mais qui est capable de dire: «Ah tiens! je suis quand même arrivé à faire ça!» retrouve confiance. Etre capable d’aller jusqu’au bout; oser non seulement rêver, mais aussi mettre en pratique ses rêves. Se confronter à cet idéal du moi. Etre capable de dépasser des obstacles, peut-être les plus encombrants, et puis se rendre compte qu’on rêve à la hauteur de ce que l’on est.

Mais vous dites aussi qu’il ne faut pas rêver trop haut non plus.
Oui, il faut rêver dans la mesure du possible. Ne pas être dans le fantasme, dans ce qui est complètement utopique. Mais rester dans un réel. Hegel disait: «Le réel est rationnel, le rationnel est réel.» C’est une phrase que j’aime beaucoup, parce que ça n’est pas toujours évident de revenir à cette vérité-là.

Et si c’est l’échec?
On retente. Il ne faut pas se décourager. La vie, c’est une série d’expériences. Et si l’échec se répète, peut-être n’a-t-on pas pris la bonne décision et s’est-on trompé de voie. Il est bon aussi de savoir ne pas s’obstiner. La vie nous renseigne beaucoup. Il faut être capable de prendre de la distance pour penser nos actes, nos choix et nos expériences.

Et vous, pouvez-vous vous définir comme une stoïcienne?
Je ne vous cacherais pas que ce qu’il y a aussi dans le stoïcisme, c’est une morale intentionnelle. Ce qui est le plus important dans la vie, c’est pas là où on aboutit mais ce qu’on tente de faire. L’horizon. C’est important de se positionner dans cette forme d’horizon et de chercher à l’atteindre. Je ne vous dirais pas que je suis pleinement heureuse et épanouie. Je vous dirais seulement que je tends vers cette sérénité et cet épanouissement. C’est une sagesse de laquelle je suis très proche."


Très bonne conclusion ! J'adore ! (la suite de l'article sur le lien donné par le titre...)

1 commentaire:

  1. Article très intéressant Christophe, je ne la connaissais pas, j'essaierais de jeter un oeil sur ses bouquins.

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